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mardi 29 mai 2018

Les Femmes et l'Église

A quand les femmes prêtres ?  

Un témoignage intéressant du frère Benoît BILLOT

Benoît Billot : Une femme à l'autel

Paru dans "La Vie" du 24/01/2018


Un samedi, de passage en province, je cherche un endroit où sera célébrée l'eucharistie le lendemain. Ce ne sera pas dans le gros bourg où je suis logé, qui pourtant compte quatre églises anciennes. Car, sous le porche de l'une d'elles, l'affichage m'apprend que la célébration aura lieu dans un village, à une dizaine de kilomètres. Le lendemain, j'y arrive au son des cloches, alors que les habitués du lieu et des environs entrent et s'installent. Pendant ce temps, l'harmonium donne le ton et une petite chorale répète. Je cherche des yeux le célébrant, qui n'apparaît pas encore, alors que deux femmes préparent quelque chose à l'autel, l'une qui va au pupitre et va faire chanter la petite assemblée. Et l'autre, qui soudain prend la parole pour expliquer, dans le silence qui s'est installé, que le prêtre, malade, ne pourra pas venir. J'ai une seconde d'hésitation : vais-je me présenter en remplacement et offrir mes services ? Mais comme je devine que tout a été bien préparé, je décide de rester à mon siège.

Sans hésiter, la célébrante met en route l'assemblée. Après les chants et lectures, assumés par différentes personnes, elle lit tranquillement l'Évangile, puis le commentaire écrit et communiqué par le malade. Après un temps de silence, et la prière universelle, elle annonce qu'il n'y aura ni offertoire ni prière eucharistique, et passe directement au Notre Père, suivie par les participants. Ceci fait, elle précise qu'il n'y aura pas non plus de communion. Très recueillie, elle dit la prière finale, donne les annonces de la semaine, puis la bénédiction. Après le chant d'envoi, tout le monde sort. Et moi avec. Personne ne semble troublé. Moi je le suis.

Car je me dis : quel sens peut avoir une « messe-sans » ? Sans prière eucharistique, sans communion ? Me voilà sorti de cette église avec une impression de frustration, de « messe-au-rabais ». Ne pourrait-on pas, lorsque le besoin s'en fait sentir, inventer autre chose ? Comme dans les nombreuses communautés protestantes, évangéliques, où la parole biblique tient une place si importante : on la lit, on la commente, parfois l'assemblée la partage, on chante des psaumes et on prie ensemble. Il existe en effet bien d'autres types de célébrations, non eucharistiques, centrées sur la Bible et nourrissant la foi. Dans la tradition monastique, les offices sont un lieu fort de foi et de rencontre, souvent une alternative à la célébration de la messe. Ai-je l'impression que l'Église catholique a trop misé sur le tout-eucharistique ? Ce fut possible dans notre vieille Europe, à une époque où les prêtres étaient très nombreux. C'est encore possible dans les grands centres urbains. Mais maintenant, et là où ce n'est plus le cas et où, par grâce, la Bible a retrouvé un peu de la place qui lui est due : pourquoi ne pas en profiter pour créer du nouveau ?

Dans la voiture qui me ramène à mon provisoire logis, je rêve encore à autre chose, qui pourrait arriver plus tard, bien plus tard. Cette femme, qui a célébré avec et pour nous avec tant de présence, de solidité et de foi, je la vois, revêtue d'un habit liturgique, célébrer la messe dans son village. Peut-être dirige-t-elle une exploitation agricole, ou bien est-elle au comptoir de la boulangerie, ou encore religieuse... Je la vois faire revivre au milieu d'une petite poignée de disciples, grâce à l'eucharistie, le don que le Christ fit de lui-même. Je dis « femme », mais ce pourrait aussi bien être un homme marié. Ils inventeraient une nouvelle façon de vivre le sacerdoce, complémentaire de celle de ces prêtres qui, dans les campagnes, se tuent au travail, et qui pourraient trouver un autre style de vie, plus humain. C'est en pensant à eux qu'en ce début d'année, je fais de tout coeur un voeu : que mon Église en Europe aille vers ces horizons.

Benoît Billot est bénédictin, moine dans la ville au prieuré d'Étiolles, dans l'Essonne. Adepte du zazen, il a fondé en 1989 la Maison de Tobie. Dernier ouvrage paru :Lumières dans l'ordinaire des jours (Médiaspaul).


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